mercredi 27 mai 2009

Le Vieux Marchand

Le marchand plia ses genoux ridés. Ses fesses en s’appuyant doucement sur le banc gémirent. « Voilà, c’est la fin » se dit-il au milieu du parc où il avait l’habitude de travailler.

Jamais, jeune homme, il n’avait pensé qu’il aurait pu faire ça toute sa vie. Au début ce n’était qu’un job pour payer le loyer, un truc facile, qu’il pouvait faire l’après-midi dès la sortie des cours. Et puis, vente après vente, sourire de gamin après sourire de gamin, il ne l’avait jamais quitté, son job. Ca le tenait bien. Il y avait même pris gout, même du plaisir.

Depuis le temps, il avait pas mal vieilli. Les enfants aussi, ils étaient rares à présent à sautiller dans les pattes de leurs parents pour réclamer un soleil. Une pièce bénie dans la main ils couraient jusqu’au marchand. Celui-ci en sueur sous les soleils encore invendus leur en tendait déjà un se balançant dans les airs au bout d’une fine ficelle d’argent. L’enfant l’échangeait contre la pièce, le marchand s’inclinait et tous ses soleils s’affaissaient sous leur lacet. Le gamin avait déjà filé, sautant très haut pour que l’astre monte comme s’il volait, malgré la laisse.
Même s’il évitait ce mot, ce job, ça ressemblait vaguement à une vocation.

Le vieux marchand pleura sous la sueur. Une belle vie finalement. Des dizaines d’années à vendre des soleils. Il restait sur son banc le regard vidé, le bras levé comme s’il saluait, et toujours ses soleils au dessus de sa tête, seulement retenu par ce cordon transparent, brillant comme la soie d’araignée.

Il se remémora la fois où il en avait vendu un à une jeune femme enceinte. « C’est pour le petit ? » demanda-t-il en désignant du menton le ventre rebondi. La femme approuva en rougissant. Elle avait pris le soleil, puis en cherchant la monnaie dans son sac, il s’était échappé. Le soleil avait rapidement grimpé au ciel avant d’exploser. Des éclats retombaient autour d’eux et calcinaient la pelouse. « Faites attention » dit-il simplement en lui tendant un deuxième. Il avait refusé qu’elle lui paie les deux.

Et ce sans-abri qui avait fait la manche pendant deux heures avant de rassembler les deux sous qui lui permettrait de fixer un soleil à son sac à dos…

Le vieil homme essuya de sa manche la sueur et les larmes de son visage. Un enfant avait accroché un de ses soleils à son chien. L’animal courait en tout sens mais l’astre du bout de sa ficelle ne faisait que de le poursuivre. Il jappait en montrant des crocs, l’enfant riait. En se roulant dans l’herbe le chien emmêlait la ficelle, le soleil ne faisait que de s’approcher, ça sentait le poil roussi. Les parents prirent peur, ils accoururent. Mais dur de défaire le lien entre un soleil plus que brulant et un clébard surexcité. Ils rendirent finalement le soleil au marchand traitant cet objet d’abject. Il s’en était retrouvé désolé.

Un homme en veston et valisette noire lui avait réclamé tout son stock pour l’anniversaire de son fils. Il lui tendait un billet de 500 sous. Le ministère de l’enfance exigeait plus de prudence face à ce jouet, les ventes commençaient à se faire plus rares. Les enfants devenaient fragiles et les parents prudents. Cet homme, ce fut une aubaine. Le marchand lui proposa pour deux billets identiques d’animer l’anniversaire du garçon. Une belle soirée. Avec le temps il avait pris du poignet et savait faire toute une série de figures avec ses soleils. Les enfants invités à la fête le regardaient faire avec admiration, il leurs apprit quelques trucs. L’homme à veston était ravi.
Par la suite, on lui proposa de nouveau d’animer d’autres fêtes d’enfants, mais il refusait toujours. Ce n’était pas son vrai métier, après tout il était marchand.

Finalement le vieil homme lâcha tous ses soleils d’un coup dans un soupir de résignation. Deux en s’entrechoquant éclatèrent comme une énorme bulle de savon. Les feuilles des arbres du parc brillèrent brusquement d’un éclat orange et or. De fines étoiles s’inclinèrent doucement dans l’air et des ribambelles dorées retombèrent en grésillant sur le blouson de cuir du vieux marchand de soleils. Sous cette pluie d’éclats de feu, on aurait presque pu voir un arc-en-ciel.

Les autres soleils disparurent en perçant les nuages d’un trou noir de cigarette.

lundi 25 mai 2009

Panalonge

Panalonge (n.f.) : pinceau utilisé à la Renaissance pour peindre les plafonds, son manche pouvait atteindre dix mètres, peindre à la panalonge était un art subtil que seul un vrai panalongier savait faire, le secret de l'utilisation de la panalonge est perdu à ce jour.

Je reviens tout juste d'une expo super sensas qui avait lieu... l'an dernier ! Ah mais c'était il y a l'an dernier, ça mademoiselle, c'est fini depuis longtemps ! Comment ça c'est fini depuis longtemps ? Comment ça c'était l'an dernier ? Et je fais comment pour la voir, moi, maintenant ? Et vous pensez aux gens qui n'étaient pas nés l'an dernier ? Enfin, non, je ne suis pas déçue. Juste un peu perdue dans les dates. Mais quel âge aurais-je pu avoir si j'avais un age étant donné que nous ne sommes pas l'an dernier mais bel et bien cette année ? C'est fou, ça, rien que d'y penser je dis. En consolation on m'a emmenée au Louvre, j'ai même pu garder mon chapeau qui m'abritait de la frappante lumière de vos auréoles, mes saints. C'est qu'il a fait chaud ce week-end !

Même sous un arbre, allongée près des herbes avec un livre entre les mains ma peau se mettait à poisser. Je poite, tu poites, regarde lui aussi il poite. Joli troupeau de poiteux, qui ne rêvent que de prendre une douche. Malheureusement la douche n'était pas là ! Bon d'un coté c'est pas mal car si elle aussi se mettait à poiter avec nous, nous n'en avions pas fini de faire prendre une douche à la douche pour ensuite se doucher, nous et les ours selves.

C'est une bien jolie dégringolade les enfants lorsqu'il faut remettre du sens dans les mathématiques. Même les feux d'artifices ne me touchent plus. Je-blasé lutte contre un je-vivifié qui ne cherche qu'à détruire un je-sans-sens-ni-tête. Je jette mon cahier, qui se retrouve à porter le voile, par la fenêtre. Il pirouette quelque peu, et finalement pique à plein nez vers le lac qui donne une si belle vue à ma fenêtre du Mont Quatrième.

Heureusement les tomates, les cerises et leurs descendance sont là pour égayer tout ça, guidées de main de maitre par l'aviateur. Il a souvent la tête en l'air mais il sait garder les tongs sur Terre lorsque le grizzly se réveille, c'est une bonne chose sinon il aurait bien vite fait d'être croqué !

Que je laisse la main durant quelques lignes à un sultan qui parle de lui à la troisième personne et qu'on ne remarque presque rien, que je me dise qu'il a plus de talent que moi, et puis que normal à près tout, c'est un garçon, que je renifle posément parce qu'en faite ça me ravit plutôt que de m'embêter, vous voyez qu'il sache en faire comme moi !, que je voudrais qu'il m'écrive parfois ça me fera des cartes et des mots à accrocher dans un coin de mon chapeau, en trophée, en tour Eiffel, en chaleur latente, en collision d'amhoulite...

lundi 11 mai 2009

Camping sur les limaces

Aussi curieux que cela puisse paraitre, la voiture de l'aviateur roule aux fécules de pomme de terre. ("elle a de la pôtate ma suzuk', hein ?") Nous longeons le canal à la recherche d'un pont tombé au milieu d'un champ selon les idées du St Esprit. Mais il est où ?? Pendant que nous regardions les apprentis pécheurs sur la gauche le pont en question essayait d'attirer notre attention sur la droite. Entre les arbres il sautait presque en espérant que nous voir tourner le regard vers lui. Mais non, nous restions cloitrés dans nos œillères. Bon, il se cache où ce pont à la fin ? Mais je suis là, disait-il, regardez, bon sang !

Aussi curieux que cela puisse paraitre, nous l'avons finalement trouvé ce pont pendu au dessus du champ, sans route ni voie de chemin de fer pour le légitimer. Un pont de métal rouge-rouillé qui sonne creux lorsque je marche à pas d'éléphant dessus. Et puis deux collines autour : une pour surélever Sancerre, l'autre pour rendre la forêt plus proche des étoiles, que nous grimpons avec courage, dextérité et noblesse, quelques soient les tempêtes ou les ennemis qui nous entourent. En l'occurrence il faisait beau, et question ennemis les festivités en étaient assez pauvres.

Installation de notre campement sur les limaces ("Qu'est-ce que tu penses de celle-ci ? - Oui ! Pas mal du tout, baveuse, grasse, et juste assez grosse pour tenir la tente sur son dos ! Le sol paraitra moins dur avec la limace dessus... !"), tente qui flotte doucement dans les airs comme un parachute livré à lui même et qui chapeaute doucement la-dite limace, mangeoire de la viande grillée avec une mayonnaise en tube et même veille pour entendre la chouette houhouer et crier et des pas suspect à l'extérieur de notre igloo, oui voilà tout ça. Ce fut chouette !

Cocktail à base de sucre de limace

Je voudrais vous faire ensuite un développement sur le langage. Il est évident que je ne parle pas la même langue à l'intérieur qu'à l'extérieur. Je veux dire, qu'il est évident que nous ne parlons pas dans notre chapeau comme notre langue ou nos doigts communiquent dans le bas-monde. Il est même impossible de retranscrire sur terre ce que nous nous entendons dire à l'intérieur. Une traduction est immédiatement effectué lors de la mise en matériel de nos pensées.

Parfois lorsque je m'écoute penser il m'arrive de chercher dans la langue française un mot qui existe dans ma langue personnelle mais qui semble absent en français. Par exemple, je chante une histoire sous la douche (oui, sous la douche je chante des histoires, faute de connaitre des chansons à la mode) dans ma tête tout coule tout glisse sans problème mais dès qu'il faut la sortir en français et bah... ça ne va plus ! Hier je voulais dire : gnagnagna... c'est un objet qui flotte dans les airs, qui lévite. Un lévitant ? Un gravitant ? Un flotteur ? Je n'ai pas trouvé ce qui me convenait. Il faudrait créer un dictionnaire à l'envers. Au lieu de chercher la signification d'un mot, on cherche le mot connaissant sa signification. C'est il me semble assez utile !

Certes, je passe du coq à l'âne, ne m'en voulez pas. J'écris une partie d'un article une certaine semaine, notons-la x, puis je continue l'écriture une autre semaine, y. Du coup en x j'ai une idée et en y j'en ai une autre. Vu que je suis censée réussir un concours la semaine prochaine, disons alors la semaine z, j'essaye de ne pas perdre de temps en pensant à mes idées de la semaine x ou y pour d'avantage penser à la semaine z. Je recolle alors les idées des semaines x et y sans me fatiguer.

Oui les certes se promène où bon leur semblent. Vive la liberté des certes !! Après une longue réflexion, je suis pour l'indépendance des Certes. Les Certes ont droit à leur état, à leur anarchie et tout et tout et leur période hippie et monarchique. Moi je dis qu'on devrait laisser le droit aux certes de choisir de leur avenir et de leur place dans notre société. A partir de maintenant les certes prendront leur syntaxe en main !