samedi 21 novembre 2009

Alyanie : Amalgame

Je me suis bien lavée les mains. Avec du savon brun, jusqu'au coude. J'ai aussi nettoyé ma nuque, frotté mes joues. Très fort, ma peau devint très vite rouge, le savon était râpeux. Le visage plein de savon, les yeux gonflés, la tête penchée vers l'évier, je ne pouvais me détacher du gouffre d'égout qui s'enfonçait dans le noir. Si j'étais une araignée, ce trou serait ma plus pure terreur.

A la caisse du centre commercial, devant moi, un homme crapaud. Il était vieux, sa peau plissait devant ses yeux, sa bouche tombait, son ventre gonflait devant lui, des bières et du beaujolais s'alignaient sur le tapis de la caisse. Partout sur son visage, son crane, et ses mains d'énormes pustules proéminaient. C'était bel et bien un homme crapaud. A faire peur aux enfants, à impressionner même les plus grands.

Sa femme était avec lui. Elle vidait le chariot et je ne sais pour quelle raison elle se mit à jeter les articles sur le tapis. Son mari indigné lui demanda d'arrêter. La femme se mit à rire et continuait à jeter les articles avec désinvolture. Les fruits roulaient sur le tapis, les bouteilles s'entrechoquaient. Mais arrête donc ! Fais attention ! Rien n'y faisait. L'homme crapaud abandonna, appuyé sur le chariot il la laissa faire. Tu vas finir par briser quelque chose. Elle lança des crèmes au chocolat, très mal, tout comme le reste, mais cette fois il rebondirent sur le chariot et s'étalèrent sur le sol. L'homme soupira. Il s'apprêtait à se baisser pour les ramasser mais j'étais déjà dessus.

Je me demandais quelle folie pouvait bien frapper cette femme. Quelle idiotie ! Elle semblait s'en foutre complètement... Je pris les crèmes, du chocolat dégoulinait des paquets.
"Alors, ils sont éclatés ? demandait la femme au loin
- Oui, ils ont éclaté, dis-je tout bas, épuisée.
- Oh puis c'est pas grave ! Ce n'est rien ! répondit la femme à personne, elle n'avait pu m'entendre."

Je me relevais et tendis les crèmes à l'homme qui attendait. "Il y a du chocolat un peu partout..." dis-je en dirigeant mes yeux vers lui. J'en profitais pour analyser ce visage ravagé. Je ne pouvais revenir de ses protubérances. Mon regard glissa jusqu'à ses paupières gonflées et là, à mon grand étonnement, je perçus une larme !

C'était une larme d'intelligence. De celles que j'ai vues ou devinées quelques fois dans les yeux de ses esprits incapables de s'exprimer comme ils sentent qu'ils devraient le faire. De ses hommes si sensibles qu'ils pourraient devenir les plus grandes consciences du siècle ! Alors malgré son affiliation aux amphibiens je lui souris comme je souris à chacun de ses hommes. Il renifla, me prit la crème, et se détourna tourmenté. "Merci bien, dit-il à son épaule" Il posa la crème sur le tapis sans répondre à sa femme.

dimanche 15 novembre 2009

Artistique

samedi 7 novembre 2009

Alyanie ne se détache pas du sablier


J'ai rajouté du bruit sur une photo pour qu'elle soit plus jolie, j'écoute une musique volontairement vieillie, comme mon jeans à l'aspect délavé... Le vieux a comme quelques airs de noblesse. J'attends d'avoir les cheveux grisonnants, mes cheveux poussent exprès pour ce temps où je pourrais les tresser comme de la vieille laine. Je pationne le temps, je joue avec lui en l'attendant : je change la dates de mes anniversaires, j'homothétite le depuis quand on est ensemble, je souffle sur la poussière pour jeter mes vieilles affaires mais je note régulièrement les jours qui passent avec minutie.

On m'a offert un carnet de cuir de lama, j'ai une mine de plomb, je griffonnerai dedans. Quand l'inspiration me manquera je ferai juste un trait vertical comme les prisonniers dans leur cellule, il prendra toute la page ! Un jour il sera plein, je ne pourrais plus rien écrire, plus de place ! Ce jour là je le fermerai avec un grand sourire, je passerai rapidement les pages avec mon pouce et puis je lèverai les yeux et devant moi s'étendra tout le reste, tout ce que je n'aurai pas encore eu l'occasion de noter, et encore plus loin il y aura moi avec les yeux plissés, avec une vieille bouche, et les cheveux gris.

Cette après midi j'ai trouvé un sablier dans la cuisine. Un vrai : avec le sable rose dedans. Je l'ai renversé et le temps a filé dans l'entonnoir. C'était fabuleux comme il avançait vite ! Encore plus fort que dans les toilettes la petite aiguille de la montre avant que ma trotteuse saute. J'ai brisé le sablier et à l'aide d'un microscope j'ai tenté de voir le temps à l'intérieur des grains de sable. J'ai découvert beaucoup de chose, alors, et je trouve réducteur le coup de l'anglais qui veut que le sablier ne mesure que les oeufs.

J'ai appris que le présent existait, il était dans les grains quand ils ne résonnaient plus. Les veinards ! J'en ai ouvert un et avec une pince à épiler j'ai extrait le présent. Je l'ai étiré et je l'ai enroulé autour de mon doigt. C'était joli. Puis je l'ai mangé. C'était bon. Mais pas très copieux : le présent est tout petit.

Maintenant faut que j'aille à table. C'est de la raclette, je ne vais pas manquer ça ! Je cache les grains de sable qui restent, je me les réserve pour plus tard.

Quand j'aurai mangé tout le présent, il ne restera plus rien et enfin j'arriverai plus tard ! J'arriverai demain, j'arriverai dans bientôt ! J'espère y être bien accueillie.

mardi 3 novembre 2009

Alyanie : Va voir le sorcier

J'avais une anémone sur le pouce depuis plusieurs mois déjà. Elle commençait à me déranger : tous les matins à mon réveil elle me collait encore au doigt ! De quoi devenir fou. A croire qu'elle voulait faire concurrence à Chance, quelle naïveté ! Enfin bref, il fallait agir. Je suis donc allée voir le sorcier.

Il était plutôt grand et maigre dans sa grande tente de peaux. A mon arrivée, comme s'il l'avait prédit depuis longtemps, des herbes fumaient déjà dans un poêle. Il me prit par l'épaule et l'écrasa pour me faire assoir sur un pouf en nid d'oiseau. A l'intérieur du coussin je sentais des épines darder mes fesses. Il incanta pendant plusieurs minutes avant de me demander quelle folie me poussait à venir le voir en plein automne : "Alors que finissent de pousser les champignon ! Tout juste ! Les meilleurs de la saison !" Je m'excusai et je lui tendis mon pouce.

Le sorcier réajusta sa tunique de plume, replaça ses rondes lunettes rouges et scruta attentivement l'anémone. Il se mit à siffler longuement en relevant la tête vers moi : "Mais c'est une anémone ça mademoiselle !" J'acquiesçai avec énervement. Alors, sans me laisser le temps de réfléchir il me prit le pouce le tira jusqu'au poêle, je dus m'agenouiller devant le feu. Il sorti un canif de sous sa tunique et de la lame traça une croix rouge brillante sur l'anémone. Je grimaçai. Il me lança alors : "Ne bougez pas ! ... Je vais vous expliquer..."

A main nue il prit quelques herbes fumantes et les écrasa sur mon pouce. "La douleur est en deux mouvements..." Il secoua sa propre main pour éviter de se bruler lui même. "J'applique le produit et vous avez mal..." Avec un coton gris il appuya sur mon pouce afin que les herbes pénètrent la plaie. "Puis la douleur s'apaise." Il s'apprêtait à reprendre des herbes quand je grimaçais de nouveau. "Et finalement la douleur reprend, beaucoup plus vive, mais à ce moment je ne fais plus rien."

Le sorcier m'appliqua ainsi trois ou quatre fois les cendres des herbes médicinales. A la fin de l'opération j'avais le pouce comme une ampoule, il me faisait terriblement mal. "L'action se fera sur un mois, me dit-il, je ne sais pas si elle partira du premier coup, c'est assez aléatoire..." Je fis oui de la tête. J'espérais que la douleur partirait vite.

Mais voilà, mon pouce est rougi et l'anémone est toujours présente... Vivement qu'elle meurt ! Je ne veux pas retourner chez le sorcier...